Chez Verbe, un loup convoitait depuis fort longtemps un troupeau d’agneaux. Las, notre loup était bien connu. Il ne pouvait guère approcher le troupeau sans effrayer son monde et provoquer la fuite. Et les bergers veillaient. Ainsi, faute de tendres agneaux, compère loup se devait contenter de forts coups de bâton pour rassasier son féroce appétit. Le vorace désespérait déjà de tromper ces bergers si vigilants et ses moutons si craintifs. Mais la providence, une fois n’est pas coutume, lui vint en aide. Il advint en effet que notre compère tomba fort à propos sur une peau d’agneau abandonnée. Le loup comprit dans l’instant le parti qu’il en pouvait tirer. Il se glissa dans la peau d’agneau, et entreprit de s’approcher ainsi du troupeau “ Je ne vous veux aucun mal. Je veux des gens heureux dans cette agence...” Nul, ni homme ni bête, ne réagit tant était trompeuse l’imitation. Le féroce, croyant pouvoir enfin assouvir ses appêtits malsains, se pourléchait déjà les babines... Il n’était point seul cependant, que la faim travaillait. Afin de rassasier, un des bergers se proposait de sacrifier une bête. Et par un malicieux caprice du destin, notre homme choisit précisément l’agneau sous la défroque duquel se cachait le loup. Lorsqu’il comprit le parti qu’on voulait lui faire, ce dernier ne perdit guère de temps en argumentation, défense et justification. Quoi que convaincu de la justesse de sa cause, il s’enfuit en toute hâte, laissant là sa peau de mouton, et les moutons et leurs bergers libres de méditer sur les ruses que savent déployer les mauvaises bêtes pour tromper leur monde et assouvir leurs bas instincts.