Côté pile.
Annonce en grande pompe : chaque membre du Directoire de Publicis a décidé de renoncer à l’intégralité de son bonus pour l’année 2009
"par solidarité avec les salariés du Groupe". 2,7 millions d'euros pour le président Maurice Lévy. ( 900.000 euros pour Jack Klues et David Kenny , 350.000 pour Jean-Yves Naouri et
300.000 pour Kevin Roberts, soit 5,15 millions d'euros à eux cinq.)
Le blog Rue89 révèle : 39 ans après son entrée chez Publicis comme informaticien, Maurice Lévy devient officiellement patron des
super-patrons. (Président de l'Association française des entreprises privées).
L'emblématique boss de Publicis n'est pas insensible à la vitalité des contre-pouvoirs face aux excès du libéralisme. Il le disait dans Valeurs actuelles du 9 avril 2009, à propos de la crise
économique mondiale :
« On a jusqu'ici beaucoup critiqué la financiarisation de notre société, mais sans prendre de décisions. Les garde-fous ne fonctionnent pas. »
Mais, en la matière, est-il vraiment décidé à encadrer plus strictement les pratiques de la place ?
En dix ans, +15% pour les patrons, +2% pour les salariés
Maurice Lévy n'échappe pas lui-même à la folie des rémunérations des grands patrons. Celles-ci, distribuées dans une certaine opacité, ont connu un emballement inexplicable sur la dernière
décennie, comme ma consœur de Mediapart, Martine Orange, l'a détaillé dans notre livre collectif (L'Histoire secrète du patronat) :
« Jusqu'à la fin des années 1980, les écarts salariaux varient dans les entreprises de 1 à 30, voire 1 à 40. Un niveau qui fait alors consensus dans la société. En 2007, le rapport est
désormais de 1 à 250, voire 1 à 400, notamment dans les banques. C'est à peine moins qu'aux États-Unis, où le rapport est de 1 à 500. »
Martine Orange cite Pierre-Henri Leroy, président de l'association Proxinvest, qui conseille des gestionnaires de fonds d'investissement : « Entre 1997 et 2007, dit-il, les rémunérations des
patrons des grands groupes français ont augmenté chaque année de 15% en moyenne, contre 2% à peine pour l'ensemble des salariés. Ni la chute des marchés boursiers, ni le ralentissement de
l'économie mondiale, ni les accidents rencontrés par certains groupes n'ont interrompu cette ascension. Ce qui amène à sérieusement relativiser la notion de récompense de la performance.
»
En 2003, grâce à un plan d'intéressement du management particulièrement attractif, Maurice Lévy a négocié des conditions de sortie de l'entreprise très confortables (et qui ne seront pas remises
dans le rapport 2009 à paraître bientôt). En résumé :
-Une retraite chapeau copieuse, car indexée sur l'évolution de ses bonus de performance pour la période 2003-2011, impossible à calculer pour le moment ;
-Une clause de non-concurrence sur trois ans, versée mensuellement à partir de 2012, pour un montant de « dix-huit mois de rémunération brute globale ».
Si l'on prend l'année 2008 (Maurice Lévy a perçu 3,4 millions d'euros de salaire, dont 2,5 en variable), cela fait 5,1 millions d'euros. Les documents de référence de l'AMF font apparaître que le
président du directoire de Publicis est déjà détenteur d'un gros paquet de stock-options. Au cours de mardi (30,575 euros l'action), cela représente un patrimoine de 144 millions d'euros. De
plus, cette clause de non-concurrence est en contradiction avec le code Afep-Medef qui « exclut » les indemnités de départ complémentaires lorsque les dirigeants mandataires sociaux partent à la
retraite.
A 70 ans -son âge en 2012-, comment Maurice Lévy pourra-t-il justifier sa « clause de non-concurrence » ?
Si d'aventure il souhaite alors continuer à travailler, il n'aura pas besoin de passer « à la concurrence » : comme tous les patrons, il aura le loisir d'exploiter son gros carnet d'adresses,
mesure de son influence.
http://eco.rue89.com/2010/03/16/maurice-levy-parrain-officiel-du-patronat-mettra-t-il-de-lordre-dans-les-remunerations-14