Publicis Consultants, "l'agence qui contribue à changer le regard de la société sur l'entreprise" a réussi son coup. Avec l'annonce toute récente d'un plan de départs volontaires concernant sa création, elle a été à la hauteur de sa devise et pourra se targuer d'avoir définitivement redoré son image. 10 postes sont concernés par cet exercice de revalorisation.
Mais au fait, quel est l’intérêt d'un employeur comme Publicis de recourir à un plan de départs volontaires, par rapport au classique plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ?
L’intérêt principal est que l'agence échappe à la remise en cause de la rupture du contrat de travail. Les "départs volontaires" ne sont pas des licenciements, ils se terminent en principe par la signature d’un accord, d’un contrat de rupture qu’il est très difficile de remettre en cause. Dans ce domaine, la rencontre de deux volontés fait la loi des parties, et cette loi est quasi impossible à défaire. Donc, non seulement l’employeur peut dire : « Regardez, je respecte la volonté des salariés, je n’oblige à rien, je suis un excellent employeur », mais une fois que le contrat de travail est rompu, on ne peut pas revenir dessus. Après un plan social, on a des centaines d’actions prud’homales de salariés qui contestent le bien-fondé de leur licenciement. Après un départ volontaire, le salarié qui saisit les prud’hommes va se voir répondre qu’il ne peut pas revenir sur ce qu’il a signé.
Il y a deux types de plans de départs volontaires : dans la majorité des cas, il s’agit de plans présentés par les employeurs dans le cadre d’un PSE – s’il n’y a
pas assez de départs volontaires, l’entreprise procédera à des licenciements pour atteindre le nombre de suppressions d’emplois visé. Dans ce cas, les obligations en matière
d’information-consultation du comité d’entreprise et de mise en place d’un plan de reclassement sont les mêmes que celles du PSE. Dans l’autre cas, le plan de départs volontaires est présenté en
dehors de tout PSE. L’employeur dit qu’il veut supprimer des emplois pour motif économique en faisant appel au volontariat, tout en jurant qu’il ne
licenciera pas, ce dont on peut douter. Pour
ce type de plan, les garanties sont infiniment moindres.
Dans les plans de départ volontaire, les entreprises fabriquent les "volontaires" par toutes sortes de moyens. Chez un grand constructeur automobile, en 2010, les
salariés étaient en chômage partiel depuis plusieurs mois, ils perdaient beaucoup d’argent. Le jour où on leur a proposé une somme pour partir, ils se sont jetés dessus : 10 000 euros, ça peut
paraître beaucoup quand on a un découvert à la banque, qu’on est endetté. Il suffit aussi de convoquer un salarié cinq fois de suite pour lui faire peur. On peut aussi faire courir des bruits sur
l’avenir peu florissant de l’entreprise, pour faire penser que « ce sera pire après ». Parmi les volontaires, beaucoup de salariés étaient proches de la retraite et bien abîmés, ils savaient
qu’après le plan, la productivité allait augmenter et les conditions de travail s’aggraver. Il était alors tentant de partir et de passer trois ans au chômage en attendant la
retraite.
« 80 % des entreprises qui procèdent à des réductions d’effectifs engagent des plans de départs volontaires », a déclaré à l’AFP Yasmine Tarasewicz, avocate au
cabinet Proskauer, qui défend les employeurs. Ce procédé est massivement utilisé par les grands groupes, qui souhaitent préserver leur image, éviter la mobilisation des salariés, mais aussi le
contentieux devant les prud’hommes après la rupture du contrat de travail. Le volontariat permet aussi aux directions de choisir les salariés qui partiront, et de contourner les critères d’ordre
(charge de famille, ancienneté, âge et handicap, catégories professionnelles) à respecter en cas de licenciement collectif.